Posté le 1 mars 2015 dans Burkina Faso, Société | 0 commentaire
Burkina Faso carnet de route d’une aventure ordinaire

Burkina Faso carnet de route d’une aventure ordinaire


Préambule . Voici le carnet de route d’un voyage d’un mois, accompli en janvier 2015 par Alice, Yannick et  moi-même (Christian) qui travaillons sur des projets d’autonomie (www.raisingautonomy.org) .

Si Alice et Yannick connaissent parfaitement le Burkina Faso pour y avoir séjourné à de nombreuses reprises, pour ma part, je m’y rends pour la première fois. Nous avons prévu une première étape à Ouagadougou puis la suite du programme se déroulera à Bobo Doulassio et particulièrement à Toukoro, un village dans la brousse pour lequel Alice et Yannick ont travaillé sur des projets et réalisations depuis plusieurs années, visant à mettre en place un programme d’autonomie. Quelques mois avant notre départ, une collecte effectuée à Genève, a permis de récolter du matéri el auprès de quelques bonnes âmes : des ordinateurs, vêtements, casques de chantier, tee shirts, vélos, jouets, matériel scolaire, téléphones portables et même de l’argent qui nous a servi à payer une partie du transport. Tout le matériel a été chargé dans un camion embarqué dans un cargo pour Lome. (Après quelques aléas, le chargement arrivera vers le 26 janvier à destination).

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Alice et Yannick

Vendredi 2 janvier
Départ de Genève 16h50, nous arrivons à Casablanca à 19h00. Près de 3 heures d’attente sont nécessaires pour enfin remonter dans l’avion qui nous mène vers notre destination.  

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Samedi 3 janvier
Nous sommes accueillis à l’aéroport, à 2h30 du matin par Soumana, dit Soum, et Siaka, son petit frère. Les pâles lumières de Ouagadougou nous éclairent juste le temps de trouver un taxi, qui va déposer nos 6 valises de 23 kg, remplies de matériel divers devant un maquis, sorte de bistrot ouvert toute la nuit. Le passage en douane et aux contrôles s’effectue rapidement car nous avons eu la bonne idée d’obtenir nos visas à Genève. Nous sommes attendus par notre hôtesse au lever du jour et nous patientons sagement en sirotant la brakina, bière locale. Blandine Sankara nous accueille dans une petite villa située à deux pas du stade de Ouaga. Nous entamons une longue conversation : il est question de révolution, de démocratie, d’autosuffisance, avec en toile de fond, les événements qui se sont déroulés en novembre dernier et ont favorisé la destitution de l’ancien président Blaise Campaoré. Mais c’est surtout, avec une certaine pudeur et sans que le nom ne soit vraiment évoqué, mais plutôt suggéré, qu’une ombre bienveillante plane sur cet endroit, celle du grand frère. Le capitaine Thomas Sankara, Président de ce pays a habité cette maison. Il avait fait rebaptiser la Haute Volta en Burkina Faso  » pays des hommes intègres ». Assassiné en 1987 parce qu’il  »contrariait » quelques intérêts nationaux et internationaux , il est toujours présent dans les mémoires des burkinabés, en raison de l’héritage laissé en terme d’accomplissement, de fierté nationale, mais également parce qu’il avait véritablement commencé à éveiller les consciences, sur le potentiel de l’Afrique dans le concert mondial des nations. Cette approche visionnaire pour l’époque a certainement contribué à provoquer le soulèvement populaire qu’a subi ce pays, y compris pour les plus jeunes qui n’ont pas connu cette période.

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Dimanche 4 janvier
Blandine nous conduit en direction de l’est de la capitale. De bon matin, nous traversons successivement l’avenue des champs Élysées et pouvons constater les traces de la révolution. Quelques bâtiments portent encore les stigmates des affrontements et notamment l’assemblée nationale qui a été entièrement brûlée ainsi que l’hôtel qui lui est contigu.

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 Bâtiment brûlé de l’Assemblée Nationale

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Nous sortons de la ville et empruntons une route à péage longeant Kossodo, la zone industrielle. Une myriade de deux roues avec des chargements parfois improbables circule dans les deux sens. De part et d’autre de la route, des cases bâties parfois de bric et de broc, ont été posées dans une disposition aléatoire. Dans une agitation bienveillante et qui semble désordonnée, les habitants vaquent à leurs occupations. On croise ainsi des vendeurs de fruits, de pain et de boissons diverses. Quelques échoppes : ateliers mécaniques, quincailleries, friperies offrent leurs services. Le sable ocre couvre les personnes et les véhicules comme une fine poussière. Nous traversons une zone d’activité dans laquelle est prévue la construction du futur aéroport international. Blandine nous explique que la pression foncière dans ce secteur est forte et que les futurs projets ne manquent pas. Nous arrivons à Loumbilla. Blandine y a acquis une portion de terrain et mis en place une structure de culture de fruits et légumes bio. Tamboura est le chef d’exploitation, des femmes sont employées et s’occupent de l’entretien des parcelles et de la vente des fruits et légumes. Blandine nous présente une innovation de culture en hauteur. Il s’agit, dans un premier temps de récupérer un vieux sac de riz de 25 kg, de le remplir de terre mélangée à du compost. Au centre du sac, des cailloux en granit sont disposés à l’aide d’un tube et serviront à irriguer l’ensemble tout en économisant l’eau. Des semis sont ensuite plantés sur le sommet et dans des trous préalablement percés en oblique le long du sac. Outre l’économie d’eau, les semis restent à l’abri des bêtes diverses et parasites. C’est également une manière de cultiver sans disposer de beaucoup d’espace au sol.

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Culture en hauteur

La production a commencé depuis quelques mois et les légumes trouvent acquéreurs. Des partenaires suisses et italiens ont permis de subventionner une pompe qui sera bientôt raccordée à un moteur électrique solaire.   Nous repartons en direction de Ouagadougou pour rencontrer Paola qui dirige une école pour enfants sourds-muets ou souffrant d’autres handicaps dans le cadre d’un projet éducatif. Nous sommes accueillis au magnifique centre Effata Ludovic Pavoni, une oasis de paix dont l’architecture italienne et africaine tranche avec les habitations environnantes.

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Un déjeuner typiquement italien nous est offert par la maîtresse des lieux, une très jeune sexagénaire boulimique de travail, au sourire éclatant de lumière et de bonté et que tout le monde ici appelle Mama.  Cette journée est décidément très chargée!

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Le Balai Citoyen

 

Nous avons rendez-vous ensuite avec le balai citoyen, pour un entretien avec les jeunes participants à ce mouvement de société qui est à l’origine de la révolution et de la chute du pouvoir intervenue en novembre dernier. Nous avons pu obtenir ce contact une nouvelle fois grâce à Blandine qui a rejoint ce mouvement. Fondé en août 2013, la vision du balai citoyen est de  »faire du Burkina Faso, une société juste et intègre, dans un Etat de droit démocratique ».

 Entretien N°1   thèmes : Balai citoyen, politique, révolution, avenir

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alice et olga

Alice & Olga

Lundi 5 janvier
La nuit est courte, il faut se lever à 6 heures pour prendre le bus vers notre destination principale Bobo Doulassio. Environ 400 km, 5 heures de trajet sur une route qui, selon les dires d’Alice, a coûté 4 fois le prix initial pour diverses raisons : couche de goudron trop mince, camions surchargés. Parfois, nous quittons la route en rénovation pour rejoindre la piste. La poussière rouge recouvre le parcours, les habitations et les échoppes défilent. Le va et vient des motos est incessant, obligeant le chauffeur du car à klaxonner toutes les 10 secondes. Au cours d’une étape, une nuée de vendeurs de fruits, boissons et friandises se masse à la sortie du car. Alice achète quelques gâteaux de sésame à une petite fille et oublie deux pièces de monnaie. La petite fille lui fait signe et lui rend sa monnaie! Nous arrivons à Bobo ville peuplée d’un million et demi d’habitants dont l’activité est la même, puissance 10, à ce que nous avons constaté auparavant. Nous sommes accueillis par la famille de Soumana et chargeons nos valises dans un seul véhicule. L’empilement est impressionnant et menace de tomber à chaque nid de poule. Nous arrivons à la maison, il s’agit de la maison de Yannick habitée par la famille de Soumana. Olga son épouse, nous offre des rafraîchissements.

Mardi 6 janvier Le bêlement des chèvres et le chant du coq m’ont réveillé dans la nuit qui est fraîche. Le jour se lève et nous adoptons un rythme plus décontracté: africain. Nous partons au consulat de France pour nous déclarer et en profitons pour louer des motos à Cyriak, un mécano qui tient une échoppe au centre-ville. La mienne est une suzuki 125 enduro. Les pneus sont lisses, donc idéaux pour circuler sur les pistes, les vitesses sont dures à passer. Même pour un motard, la traversée de Bobo semble nécessiter des règles spéciales qui m’échappent parfois, mais je ne constate nulle agressivité dans les comportements des usagers. Plus tard, un slalom entre les zébus d’un troupeau me donne quelques difficultés mais le berger me facilite le passage en riant de toutes ses dents. Nous rencontrons Didier, ami de Yannick qui fait du négoce dans le pétrole et a ouvert un pressing écologique à Genève. Rendez-vous est pris pour plus tard, en Suisse. Contrairement à ce que je pensais, la chaleur est supportable même si je recherche l’ombre bienveillante dès que je m’arrête. Le soir venu, plusieurs amis, famille et cousins de Soumana se joignent à nous pour partager un simple et délicieux repas préparé par Olga. De longues conversations s’égrènent alors dans la nuit,. On y évoque le respect des anciens, la solidarité entre les familles et la signification de la vie. Ces sages paraboles semblent tellement éloignées de nos préoccupations occidentales.

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Les familles de notre résidence

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Mercredi 7 janvier
Nous passons au centre de Bobo pour acheter des unités téléphoniques et une carte de connexion 3 G. Les burkinabés ont tous leurs portables et des tours de communication ont poussé comme des champignons. La nouvelle : attentat contre les journalistes de Charlie hebdo, Cabu, Wolinski, les déconneurs sérieux qui ont pour moi été une référence dans le domaine de l’humour décalé (même si leur outrance était parfois difficile), du journalisme, du talent. Je hais les rebuts d’humanité qui ont commis et commandité cet acte. cabuRévolte: leur mettre une balle dans la tête, sans jugement est ma première pensée. J’ai conscience que cette réaction me met au même niveau : la haine appelle la haine. J’apprendrai plus tard qu’ils ont été éliminés. J’espère maintenant que le mouvement citoyen qui semble se mettre en place permettra une réelle action dans la profondeur et le partage du respect de chacun. et que la pression populaire incitera les dirigeants à prendre les mesures nécessaires en résistant aux pressions qui permettent à ces assassins de continuer à terroriser.

Jeudi 8 janvier
Nous nous préparons à partir en brousse, nous chargeons les motos avec les sacs de couchages et couvertures. Direction Toukoro, soit vers l’ouest, via la route du Mali. Sur la route, nous apercevons une usine de conditionnement de noix de cajou. Après 15 km de route, sur la moto de tête, Soumana et Olga tournent à droite et nous roulons sur la piste. Quelques soubresauts plus tard, nous nous arrêtons devant une case et nous installons pour boire du dolo, la bière de   mil dans une calebasse.

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Çà et là, des champs de coton récemment récoltés, des bananiers et des champs de mil. Nous arrivons à Oulama, quelques bâtisses de briques ocres émergent de la terre. Leurs fondations sont constituées de pierres extrêmement lourdes et denses, appelées pierres sauvages qui contiennent de la latérite. Ces fondations empêchent les cases d’être emportées pendant la saison des pluies. Nous poursuivons notre périple, traversons le village de Toukoro et, après environ 5 kilomètres, nous arrivons à destination. Les habitants nous accueillent, ils nous souhaitent une «bonne arrivée» La suite de la conversation se déroule en langage Bobo, les formules de politesse, les questions sur la famille le tout selon un protocole qui semble immuable. Quelques animaux déambulent, chiens, poules, pintades semi-sauvages, chèvres. Pour un européen le premier abord est celui de l’extrême pauvreté. Pourtant, le contexte ne permet pas de penser en termes de richesse. La dignité de ces gens, leur sens des valeurs, sont difficilement explicables mais extrêmement palpables lorsque l’ honneur vous est donné de partager leur quotidien. Le repas est servi, une boîte de conserve contenant de l’eau permet à chaque convive de se laver les mains. Plusieurs soucoupes sont posées sur le sol, les hôtes sont servis en premier. Nous partageons le repas constitué d’une pâte de farine de sorgho, maïs, ou petit mil agrémenté de sauces kikiri cuisinées avec les graines de fleurs d’un arbre avoisinant. Les chiens efflanqués se disputent les épluchures de quelques patates douces venues compléter le menu. Sous l’ombre bienveillante de quelques manguiers, nous recevons le chef de la commune. Yannick et lui entament alors un dialogue où il est question de l’autonomie de ce territoire. Afin que toute l’économie de ce secteur se développe, les résultats d’une étude déjà disponible permettent de déterminer quels sont les besoins et tout ce qui peut être produit localement. L’exemple du mil, qui constitue la plus grosse dépense, est donné. Sa culture et son entreposage sur place seraient possibles grâce à un investissement de base et remboursé d’autant plus rapidement que le prix serait le même que celui disponible dans les échoppes situées en dehors du territoire. Sachant que le prix du carburant est le même qu’en Europe, avec un salaire moyen de 50 € par mois, le calcul est vite effectué! Soumana qui a traduit tout le dialogue appuie cette démarche et rajoute des arguments. Tout est passé en revue : les activités, le travail et les priorités déterminées à partir de l’inventaire. « Les idées proviennentde la participation de la population», conclut Yannick. La méthode appliquée incite les trois forces vives de la communauté : les anciens, les femmes et les jeunes à faire en sorte que ce projet leur appartienne et qu’il résulte de leur connaissance, de leur implication et de leur écoute du territoire. La nuit est superbe, après le dîner, Yannick sort sa clarinette, j’embouche mon harmonica. Quelques morceaux de musiques résonnent sous les étoiles, les spectateurs et auditeurs semblent étonnés. L’un d’entre eux me demande de lui prêter l’harmonica et comprend très vite les subtilités de cet instrument.

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Le meunier du village

Vendredi 9 janvier
Une nuit de sommeil dans une case ouverte, je dors mal. Voici une semaine que nous sommes partis et tellement de choses se sont passées. Une chauve-souris me souhaite une bonne nuit. Le sac de couchage est posé sur une natte à même le sol et le sol est dur. Le crépitement du feu, interrompu par quelques oiseaux berce la nuit. Au matin, nous déjeunons de quelques patates douces cuites sous la cendre. Plus tard, nous rendons visite à d’autres habitants vivant à quelques centaines de mètres. Yannick me montre un puits qu’il a fait creuser il y a quelques années à la dynamite. Il m’indique que son rendement n’est pas exceptionnel mais permet cependant de prendre une bonne douche et nous laver de notre poussière rouge. Plus tard, Odile, l’une des villageoises me propose de la suivre à vélo jusqu’au village et au moulin. Je propose de porter le sac de mil mais elle refuse. Pendant environ 5 km de piste, j’ai du mal à la suivre, elle roule en effet à un rythme très élevé. Ces femmes sont de véritables athlètes! Certaines, que nous croisons, portent sur la tête, des jarres d’eau ou des tas de bois pesant plusieurs dizaines de kilos. A l’arrivée au village, une nuée d’enfants se précipite. Dans une case, le meunier est assis devant son moulin. Tout autour de lui, des sacs sont remplis de mil, de sorgho et d’autres graines. Le système est entraîné par un moteur diesel qui empeste. Le meunier me fait entrer et m’explique le fonctionnement par gestes et sourires.Dehors, quelques vénérables mamans s’adressent à moi et éclatent de rire lorsque j’essaie de leur répondre en langage bobo. L’une d’elle m’explique quelque chose que je ne comprends pas et entame une danse. Je sors l’harmonica et la magie opère. Le retour aux cases sur le même rythme, je suis déterminé à ne pas me laisser distancer. J’arrive aux cases en nage, Odile, tout sourire, va s’occuper de ses enfants. Elle refera à vélo, plusieurs voyages dans la journée. Le soir venu, une fête est organisée: au menu poulet(en l’honneur des invités), bières, Tô (farine de mil). Quelques chants improvisés sont traduits par Soumana. Il est question de blancs venus rendre visite à leurs frères africains, de respect, de fraternité. Le sommeil vient.

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Réunion de travail au village

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Quelques cases disposées dans la brousse pour trois familles

Samedi 10 janvier
Le matin à l’aube, un troupeau de chèvres vient nous saluer. J’ouvre les yeux et regarde autour de moi: j’ai vraiment envie d’aider ces gens, ils ont besoin de tout et se contentent de tellement peu! J’ai parlé avec Soumana: leur seule chance de réussite reste l’éducation. Pour les adultes, leur phrase favorite en français est: «je démerde». En effet, la solidarité entre les familles est telle que chacun peut, en cas de besoin, être soutenu. Mais il m’explique que les enfants ont besoin de se former. Ici, une école pourrait accueillir 35 élèves. Je repense à une conversation sur l’éducation avec Elisabeth et Holger qui s’occupent à Genève d’une ONG sur les mutilations féminines. Ici, la majorité des petites filles sont excisées. Il faut repartir, à Bobo. Les motos sont chargées. Visiblement la mienne ne veut pas partir, nous sommes obligés de la pousser. Confirmation: après quelques centaines de mètres , la moto déraille. Nous remettons la chaîne, nous repartons, la couronne de chaîne casse net. Heureusement, nous sommes à quelques centaines de mètres du village et je pousse la moto jusqu’à la case d’une tante de Soumana. Nous sommes accueillis par la famille, ils nous offrent à boire et nous dégustons de délicieuses boules réalisées avec des graines de coton, au goût très fin, dignes d’un grand restaurant. Entre temps, mes compagnons sont partis chercher une moto taxi à trois roues. Nous chargeons la moto, les bagages et les passagers dans le taxi : direction Bobo où nous rentrons sans encombre.

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Dimanche 11 janvier
Soumana et moi avons rendez-vous avec Yves dans un restaurant au centre- ville. Ce suisso-canadien vient de mettre en place une entreprise spécialisée dans le domaine des forages et assainissements. J’ai obtenu ses coordonnées grâce à sa sœur Nicole, fonctionnaire à l’OMM, qui a eu la gentillesse de nous mettre en contact. Yves nous explique que la mise en place d’un point d’eau potable demande une étude préalable des couches géologiques et/ ou l’intervention d’un sourcier. Nous rétorquons qu’un accès supplémentaire et pérenne en eau potable changerait beaucoup de choses dans le développement du village. Il est prêt à venir faire une étude. Le prix estimé d’une telle installation s’élève à 3 millions de francs CFA soit un peu moins de 4500€. Nous devons nous coordonner la semaine prochaine. Je vais ensuite visiter le quartier de Sakaby avec Soumana. Des maraîchers se sont installés au bord du marigot et les plantations sont magnifiques et tranchent avec la terre aride des alentours. L’arrosage s’effectue à la main, une seule motopompe est en en fonction. Nous nous arrêtons sur une place où se déroule une kermesse, mon voisin de banc m’explique qu’il est maraîcher, ferrailleur et s’apprête à partir à son troisième travail de vigile de nuit.

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Yves le puisatier

Lundi 12 janvier
Pour la première fois, nous allons faire un peu de tourisme. Alice m’accompagne jusqu’au quartier pour rencontrer un jeune sculpteur à l’allure rasta. Kossy Traore nous explique que les affaires vont doucement et que les touristes sont rares. Ebola, la menace islamiste radicale, ont fait baisser la fréquentation du Burkina dans son ensemble de manière spectaculaire. Les sculptures de Trossy sont animistes ou d’art moderne. Le métal qui sert de matériau de base est rare, Trossy s’est même fait voler un bloc de 300 kg devant son atelier. Nous nous rendons ensuite dans une petite échoppe rafraîchissante: chez ma copine. La maîtresse des lieux est française. On y trouve des bijoux africains, des vêtements, des sacs à main, porte monnaies et objets fabriqués avec du plastique de récupération. L’’essentiel de ces articles est fabriqué par des femmes.

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Mardi 13 janvier
Nous partons avec Yves, notre spécialiste des forages, afin de déterminer le problème existant sur le puits qui s’assèche dans la région de Toukoro. Arrivés sur place ,Yves et son collègue Ounamou, mesurent la profondeur du puits qui s’élève à 16,05 m. La profondeur de l’eau ,elle, est de 9 cm ce qui veut dire que le puits sera bientôt asséché. Ce puits a été creusé à la dynamite dans du grès dur et un perçage supplémentaire suppose un coût énorme. Nous leur demandons s’ils entrevoient à proximité un endroit plus favorable. En observant le paysage, force est de constater que les arbres étant plutôt rabougris et la couche de terre très mince un puits ne p13ourrait être creusé ici à coût modique. Yves précise que le fait que les villages se soient regroupés dans des zones précises n’est pas un hasard, cela résulte de milliers d’années d’observation de la nature par la population. Au retour nous apercevons des zones brûlées. Elles sont destinées à activer les repousses pour les troupeaux. Nous sommes évidemment déçus et retournons à Bobo jusqu’à l’entreprise d’Yves. Nous évoquons la délinquance. La petite délinquance existe mais ne représente rien par rapport à la délinquance en col blanc dans la capitale. Au retour, j’apprends que Yannick, toujours malade, a dû se rendre à l’hôpital. Je le vois revenir grimaçant de douleur après avoir reçu une injection d’antibiotique. Alice, quant à elle ,est couchée et nous craignons une crise de paludisme. Mauvaise journée!

 Mercredi 14 janvier
Grâce aux médicaments, tout semble aller mieux pour tout le monde. Nous décidons d’aller faire un tour au marché. Nous cherchons des tissus dans cet immense labyrinthe et Soumana nous sert de fil d’Ariane. La présence de blancs (toubabous) ne passe pas inaperçue mais les vendeurs ne sont pas trop pressants. Après d’interminables discussions, le choix et les prix sont fixés. Nous nous rendons alors chez un couturier qui prend nos mesures. Nous allons ensuite dans une fabrique de djembés. Un des artisans est en train de tendre une peau de chèvre à même le sol. Nous testons les sonorités et nous mettons d’accord pour réserver un instrument, peut-être deux s’il reste de la place dans les valises. La mendicité est présente ici comme dans beaucoup de pays d’Afrique. Pourtant, la majorité des enfants tendent la main pour dire bonjour plutôt que pour quémander. Une des écoles coraniques prend en charge des enfants qui sont « loués / vendus » par les parents qui ne peuvent assumer leur grande progéniture pendant quelques années. Les enfants concernés sont facilement reconnaissables, ils portent une boîte de conserve en bandoulière, nous leur répondons invariablement «Allah man sona – Dieu pourvoira à tes besoins» et ils n’insistent pas.

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la maison du XI° siècle

Jeudi 15 janvier
Nous partons faire un tour dans le vieux quartier qui abrite la plus vieille habitation de la ville, elle a été construite au XIème siècle. Le quartier, longeant le marigot, abrite des cases habitations et commerces artisanaux. On y trouve des artisans qui travaillent le fer, le bois pour la réalisation de masques et d’instruments de musiques. Les bords du marigot sont malheureusement aussi emplis de ces monceaux de sacs et déchets plastiques. Dans le pays, la gestion des ordures est problématique et les habitants jettent, pour la plupart, à même le sol, leurs déchets. Il y a quelques années Yannick et quelques autres avaient organisé une collecte d’ordures qui avait permis de débarrasser quelques tonnes qui s’étaient amalgamées comme du ciment. Ces déchets plastiques sont partout présents, jusqu’au fin fond de la brousse. Si les autorités commençaient par imposer l’arrêt de la distribution automatique d’un sac plastique dans tous les commerces, comme geste citoyen, une partie de la solution serait trouvée. Cette décision a été prise en Côte d’Ivoire et semble en passe d’être mise en place dans le pays. Cependant, elle se heurte d’une part aux habitudes et d’autre part, à la pression économique (et parfois davantage qu’économique) des fabricants de ces pochettes.  

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Un des multiples dépôt de plastique

 

Vendredi 16 janvier
Journée touristique: nous filons vers l’ouest à destination de Nasso. Il s’agit d’une station touristique implantée au bord de la rivière. Pour un trajet d’une trentaine de km, la route traverse une zone aménagée : un complexe universitaire gigantesque à l’architecture à la fois traditionnelle et d’une modernité étonnante. D’autres structures universitaires parsèment le chemin. La végétation semble plus verte et le terrain est même vallonné par endroits. Nous arrivons dans une zone balisée par la Guinguetta, au bord de la rivière, un espace écotouristique. Nous apercevons la rivière le Kou, dont les eaux alimentent tout Bobo en eau potable. Une eau à 30 ° avec un courant relativement rapide, une vraie balnéothérapie. La température est douce, un petit air frais chasse les mouches, nous passons la journée sur place, tout baigne.

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Le Kou

Samedi 17 janvier
Yannick a rédigé un contrat pour employer Dakor, un jeune bobolais, à partir du 1er février 2015. Ce dernier a suivi une formation agricole et déjà travaillé dans ce domaine. Il sera chargé de gérer le suivi des activités prévues dans le secteur de Toukoro*. Il mettra à jour l’évaluation disponible en mobilisant les parties prenantes. Il s’agira pour lui, avec l’appui de l’association, d’élaborer des activités rentables avec la perspective de dégager des financements destinés à des activités de services publics au bénéfice de la population locale. Il devra entreprendre la planification et la programmation de l’ensemble de toutes les activités confondues afin de favoriser la vitalisation du territoire en question, dans le but de faciliter son autonomie et son dynamisme. La gérance d’un espace commercial nommé «Faso-Dia», à Yéguéré, soit à l’endroit où nous logeons, est incluse dans le cahier des charges. Dakor rédigera un journal quotidien explicitant les évolutions de la situation et le transmettra chaque fin de mois.

Le projet Toukoro
Situé à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Bobo, le village de Toukoro possède une végétation de climat semi-désertique avec cependant quelques points d’eau et une rivière qui s’assèchent pendant la saison chaude. Les deux mille habitants sont pour la grande majorité, des agriculteurs qui tentent de vivre des produits de leur terre. La situation est difficile, comme bien souvent au Burkina Faso, car les récoltes sont maigres, et dépendent de la saison des pluies. La vente d’animaux d’élevage permet parfois de compléter leurs revenus, mais les soins vétérinaires manquent, comme les moyens en général. C’est le village du grand-père d’adoption de Yannick, Gniafa, qu’il considère comme son propre village. Les liens se rapprochent avec les années, et la confiance grandit. L’année dernière, il s’est marié de manière traditionnelle au campement de feu son grand-père, en présence des autorités du village. Cet évènement marque le départ d’une nouvelle initiative, dont la vocation est de revitaliser le territoire de Toukoro, grâce à l’implication de la population tout entière par le biais d’une amélioration de l’autonomie territoriale. Ainsi, grâce au travail conjoint de l’équipe réunie au sein de l’AME: raisingautonomy.org, et des différents groupes créés dans le village, notamment le conseil des sages, le cercle des femmes et l’équipe des pilotes, des actions se mettent en place. Par exemple, suite à l’inventaire du territoire établi par l’équipe des pilotes, il s’est avéré que certains achats importants de céréales étaient effectués hors du territoire. Cela signifie des pertes nettes pour la population, en termes d’emploi, de compétences, de transport ( les routes sont très mauvaises) et de finance. C’est donc à l’unanimité que la décision fut prise de rapatrier le commerce du mil à l’intérieur du village. Cela fera moins de route, moins de dépenses, et un prix plus bas, deux emplois créés sur place et l’assurance que les bénéfices de cette activité seront reversés à la communauté, qui décidera ensuite quel service public elle financera avec ces recettes. Aussi, suite à l’inventaire, une chaîne de transformation du beurre de karité est envisagée, afin de mieux valoriser cette ressource, ainsi que le travail des femmes, et de maîtriser les prix de vente: Un kilo de beurre pur se vend entre 500 et 750 FCFA au Burkina, et environ 18’000 FCFA en France…La perspective est de continuer à établir des activités rentables qui ont du sens pour la population, au sein du territoire. Ces activités sont mises au point et gérées par et pour la population. Elle décide ensuite quoi faire des bénéfices, destinés à améliorer les prestations collectives, comme agrandir l’école, les soins de santé, etc…

Dimanche 18 janvier
L’équipe se sépare. Yannick et Soumana partent en brousse avec Dakor pour rencontrer les responsables du secteur de Toukoro et mettre en place la synergie entre les partenaires locaux. Il est question de mettre en fonction un hangar destiné à entreposer les denrées alimentaires ainsi que l’engrais. Le tout sera acheté en une fois pour toute l’année, limitant ainsi les frais de transport et revendu petit à petit. L’argent investi sera remboursé au fur à mesure et réinjecté dans un nouveau projet. Alice et moi nous rendons dans le vieux quartier de Doulassioba. Il y règne ce dimanche une activité particulière. La fête des masques constitue une évocation des personnes décédées récemment. Selon une tradition séculaire, cette fête se déroule en fonction des demandes des familles qui ne peuvent l’organiser pour leurs défunts que si elles en ont les moyens. Il arrive donc que ces évocations soient reportées sur plusieurs années. Les masques sont des jeunes hommes, au sortir de l’adolescence, qui ont été initiés peu à peu pendant 7 ans et terminent leur apprentissage en passant un mois en brousse. Ils ont appris les rites et significations et pourront alors incarner les masques donc les esprits des défunts. Au milieu d’une foule nombreuse et bigarrée, les masques sortent dans les rues. Leur costume est constitué d’herbes tressées dont ils sont couverts, ils ressemblent à des buissons. Ils sont armés d’un fouet et selon un rite précis, peuvent fouetter les gens qu’ils rencontrent. Cet affrontement peut parfois être très violent, jusqu’au sang. L’ethnie bobo a émigré vers le XIème siècle en provenance du Mali et de Guinée. Elle est constituée par trois groupes ethniques : les bobofines, les grillots et les forgerons.

Lundi 19 janvier
Au début de mon séjour, j’avais rencontré dans un taxi, T. un touareg originaire de Tombouctou, j’avais été frappé par son visage et par son sourire. Il avait évoqué le Mali, Tombouctou, la crise qui avait obligé sa famille à s’exiler et j’avais envie de le revoir. Rendez-vous est donné dans la maison habitée par sa famille. T. nous présente M. un jeune homme d’une trentaine d’années. Après nous avoir offert le thé, assis sur un tapis, nous évoquons le peuple touareg, son histoire, ses traditions. M. est intarissable sur son peuple, il sourit tristement en évoquant   le difficile exil et l’ostracisme dont ont été victimes les siens depuis des millénaires. Il a lui-même été obligé de s’exiler avec sa famille lors des événements récents au Mali. Bien que possédant un passeport malien, les touaregs en tant que nomades, de couleur de peau différente ne sont pas intégrés dans la société et continuent à en subir les conséquences. De son exil au Burkina, il évoque la difficulté d’assurer une vie digne à sa famille. L’essentiel de son revenu est constitué par l’achat de véhicules à forte valeur ajoutée, qu’il revend au Burkina après les avoir récupérés auprès d’amis dans les pays frontaliers. D’autres petites activités complémentaires sont entreprises comme la revente d’objets d’artisanat touareg. H n’est pas allé à l’école mais parle 6 langues, son français est impeccable, mais il éprouve des difficultés pour la rédaction. Devant la force de son propos et l’analyse à la fois très fine et pertinente de la situation vécuepar son peuple, je lui propose d’organiser unentretien, il accepte.

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Les touaregs

EntretienN°2 : thèmes: traditions, histoire, désert, Mali, pays limitrophes, islamisme radical, trafic de drogue et d’armes). Nota: en raison des thèmes abordés, T et M ont préféré que n’apparaissent ni leur nom, ni leur visage)  

Mardi 20 janvier
Je m’éclipse de la maison tôt le matin car j’ai rendez-vous de l’autre côté de la ville avec Yves le puisatier. Son équipe et lui doivent se rendre à Kosso, à une cinquantaine de kilomètres au nord- ouest de Bobo. Nous partons après avoir chargé le matériel dans le gros pick-up moteur V8, importé du Canada. Arrivés à destination, j’aperçois le puits implanté à la périphérie du village. Le trou, d’une profondeur de 20 mètres a été creusé et tubé. Une margelle en béton englobe le tout et un support en forme de tourelle est destiné à fixer une roue manuelle pour actionner la pompe. La profondeur du puits est vérifiée ainsi que la hauteur de l’eau. Le générateur est démarré et couplé à un tuyau qui fait remonter l’eau en contrôlant son débit et en vérifiant la remontée de l’eau tout en chronométrant précisément les différentes phases. Après avoir effectué un contrôle du débit, et constaté la clarté de l’eau, nous passons à la phase suivante. Des tubes de trois mètres de long sont descendus dans le trou et collés entre eux jusqu’à atteindre la bonne profondeur. Un système de tringlerie est ensuite descendu dans le fond du puits, selon le même principe: les tubes en inox sont boulonnés au fur et à mesure. Cette manipulation prend plusieurs heures sous un soleil de plomb. Au moment de mettre la roue, nous nous apercevons que cette dernière, récupérée sur place en provenance d’un ancien puits, a besoin d’être démontée et complètement remise à neuf. Les villageois tenaient à utiliser cette roue pour limiter les frais : Yves souligne que c’était une erreur car cela retarde le chantier et engendre en fait, un coût supplémentaire. Nous fermons la bouche du puits avec les moyens du bord et rentrons à la nuit tombée. Je remercie encore Yves et son équipe de m’avoir permis de partager leur travail.

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Mercredi 21 janvier
Aujourd’hui c’est l’anniversaire de Yannick à la «maison des fous gentils». De nombreux invités sont prévus et tout le monde s’active pour que la fête soit réussie. Olga notre hôtesse Alice et les femmes préparent la cuisine dans de grands saladiers. Au menu: salade, haricots verts et beignets. Yannick fait du pain dans le four. Après avoir pétri plusieurs pâtes en agrémentant d’ail ou de basilic, le tout est enfourné. Le soir venu, les invités s’installent dans la cour qui a été arrosée à cause de la poussière. Les musiciens arrivent avec leurs percussions: djembés et doumdoums. Deux bidons de dolo (bière) ont été achetés. La bière est servie dans les calebasses et circulent de mains en bouches. Le ton est donné et les musiciens tapent sur leurs instruments avec une force incroyable. Au centre de la piste de danse, un musicien tapant sur un doudoun va chercher les danseurs et leur impose un rythme qu’ils doivent suivre. Quelques jeunes commencent alors leurs performances avec des figures acrobatiques : les sauts périlleux arrières et autres vrilles s’enchaînent. J’avais invité nos deux amis touaregs, ils arrivent. Ils offrent un cadeau à Yannick: une carte du désert et de la voie lactée en cuir. Yannick la fait circuler à toute l’assemblée en précisant que ce cadeau est offert à tous. Chacun vient les remercier et leur faire savoir qu’ils font partie de la famille. Cet instant est très émouvant. Tout ce qu’ils m’ont dit sur leur sentiment d’être apatrides et jamais reconnus nulle part semble effacé. Ces hommes ont été mis en présence les uns avec les autres et ils s’apprécient et se reconnaissent. Yannick reçoit plusieurs cadeaux : un chapeau traditionnel, une statuette en bois et une bouteille de vin. Mais le plus beau cadeau se déroule sur la piste de danse improvisée, jusqu’au bout de la nuit. Bonne nouvelle: Messan, notre transitaire togolais, a appelé et, après quelques difficultés, une grande partie du matériel, notamment informatique, a été dédouané et expédié. Cet envoi a pris un retard considérable par rapport au planning initial et il a fallu toute la connaissance des «pratiques locales» par notre transitaire, pour parvenir à trouver la solution la moins onéreuse et la plus fiable.

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Extra-Balle

Jeudi 22 janvier
Nous rencontrons Eric Moulis. Ce toulousain est éducateur spécialisé. Il est le coordinateur Afrique de l’association extra-balle. Sous l’égide du conseil général des côtes d’Armor, cette association prend en charge des jeunes français désocialisés et leur propose de séjourner au Burkina Faso afin de rompre avec un environnement qui les entraîne dans une spirale négative. Ils sont adressés à l’association par le biais de l’aide sociale à l’enfance. La plupart de ces jeunes de 13 jusqu’ à moins de 18 ans, ont perdu leurs repères. Il s’agit de leur proposer, sur une base de volontariat, d’accomplir un parcours en immersion totale, grâce à la présence d’un grand frère burkinabé qui les prend en charge pendant 4 mois. Cette période est jalonnée par des découvertes et de scolarisation si besoin. Un «exploit» est également programmé. Il s’agit d’un parcours d’épreuves qui permettent au jeune de découvrir sa capacité à faire face et à réactiver une confiance en ses capacités ainsi que trouver ses propres repères .Il peut alors entamer un changement dans la perception de son devenir. Même si, comme le souligne Eric, les résultats peuvent difficilement être évalués, cette méthode a fait ses preuves depuis une trentaine d’années. Dominique Legoux , coordinatrice France de l’association et Bazier Boubacar, professeur au lycée français nous rejoignent. Chacun, dans son domaine, nous explique tour à tour l’intérêt social et pédagogique de la démarche.

EntretienN°3 - thèmes : resocialisation, cas sociaux, pédagogie, réinsertion.  

Vendredi 23 janvier
Nous avons rendez-vous avec Rachel Ouedraogo, sage-femme pour l’Association Burkinabé, indépendante, pour le Bien -Être Familial (ABBEF) dont l’objectif principal est «la promotion de la santé dans le domaine de la reproduction». L’association est reconnue d’utilité publique et financée principalement par l’Institut International pour la Planification Familiale (IPPF) dont la maison mère est basée à Londres. L’ABBEF est reconnue par l’État Burkinabé qui affecte même des agents dans cette structure. Rachel et ses collègues interviennent dans le domaine de la planification familiale que l’ABBF a d’ailleurs introduite dans le pays avec beaucoup de difficultés car cela constitue un tabou. Des consultations permettent aux jeunes femmes et adultes d’être reçues sans jugements ni à-priori et de pouvoir trouver des solutions dans un domaine difficile à traiter, particulièrement en Afrique. Des consultations sont mises en place pour les soins après avortement, le dépistage sérologique (VIH), la prise en charge des cas et prévention de la transmission mère-enfant. Des détections du cancer du col de l’utérus sont également proposées.Rachel nous explique sa passion pour son métier, elle a souhaité travailler en contact avec les femmes et a rejoint l’association en tant que bénévole puis, elle a postulé et elle a réussi le test brillamment. Nul doute que cette jeune femme a la vocation. Elle possède cette capacité d’écoute, cette connaissance sociale et professionnelles qui lui permettent de répondre aux demandes de ses patientes. Ces dernières trouvent avec elle, des réponses aux difficultés rencontrées dans le domaine de la sexualité. Rachel nous explique avec cette incroyable douceur mêlée de fermeté, ses difficultés par des exemples, parfois terribles: le statut de la femme, le sida, l’excision sont abordés sans concession et avec une lucidité déterminée. Nous quittons Rachel avec la sensation d’avoir rencontré un ange, une petite femme d’apparence fragile, qui semble porter, sur ses frêles épaules, toute ladouleur de la femme africaine.

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EntretienN°4 – thèmes: droits et statut des femmes africaines, planification familiale, excision, mutilations.Nota. Rachel souhaite poursuivre sa formation grâce à des cours par correspondance dont l’écolage pourrait être accompagné par toute bonne âme sensible à ce qu’accomplit cette magnifique personne.

Le soir venu, nous retrouvons Loïc et Manéré qui nous présentent Rongead, une association de solidarité internationale basée à Lyon et qui travaille en Afrique dans le domaine agricole. Le but de Rongead est d’améliorer le revenu des paysans dans les pays d’intervention. Un appui technique est apporté aux acteurs des filières pour offrir des perspectives et des débouchés à ces acteurs. Un approche environnementale a été mise en place. Rongead travaille depuis 30 ans en Afrique de l’ouest, au Burkina-Faso, en Côte d’Ivoire, au Mali et plus récemment au Sénégal et au Tchad. Loïc a suivi une formation en agro-développement international et il a travaillé en Centrafrique, et au Liberia. Manéré est ingénieur en sociologie et économie rurale, il est l’auteur d’un livre sur la santé et la production agricole au Burkina-Faso- http://www.rongead.org/ EntretienN°5 – thèmes: marchés agricoles africains, développement durable, commerce international.

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Samedi 24 janvier.
C’est à proximité de la gare ferroviaire que nous rencontrons Christian Darceaux. Ce retraité vit à Bobo et possède une longue expérience du pays. Représentant local des Amis du Monde Diplomatique, français, il évoque tour à tour les événements politiques récents et la situation en Afrique de l’ouest. Son analyse pour l’agriculture locale n’est pas optimiste à cause des APE- UE ACP (Accords de Partenariat Economiques-Union Européenne Afrique Caraïbe Pacifique). La levée probable des droits de douane sur les produits agricoles risque de porter un coup sérieux aux producteurs locaux, notamment de riz. Il mentionne qu’au Burkina-Faso, la révolution a fait en sorte que plus jamais un dirigeant ne puisse accaparer le pouvoir pendant plusieurs décennies mais que la partie pour la démocratie n’est pas gagnée pour autant. Il loue le contre-pouvoir que constitue désormais le balai citoyen. Il évoque le changement des dispositions légales dans le domaine foncier, qui a vu des dirigeants, souvent de l’opposition, s’accaparer des terrains et qui va véritablement changer la donne. Auparavant, c’était le chef de terre associé au chef de village, qui géraient le foncier en attribuant des terres dévolues à la culture, selon des pratiques coutumières. Désormais, ces terres peuvent être achetées, ce qui induit une corruption, elles sont ensuite laissées en jachère dans un but souvent spéculatif (cf. Travaux de l’ONG GRAIN). Son constat sur la corruption est fataliste: il cite l’exemple de «prélèvements» effectués, suite à des donations, souvent externes au pays, par des responsables ou élus locaux sur des chantiers ou des machines-outils. Cependant il mentionne qu’au moins la population locale en a profité même si certains se sont servis au passage.

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Dimanche 25 janvier
Messan, notre transitaire togolais, est arrivé pendant la nuit après être parti de Lomé vendredi matin. Parallèlement, le matériel envoyé depuis Genève devrait donc enfin être arrivé au dépôt de l’entreprise à Bobo, mais les informations données par téléphone, ont souvent été contradictoires. Je suis très déçu car j’avais promis un suivi rigoureux des donations et l’envoi de photos aux personnes qui m’avaient confié leur matériel à Genève et ce sera difficile car nous repartirons mardi à Ouagadougou. J’espère que les personnes qui assureront le suivi, me feront parvenir ces preuves et témoignages par respect pour les donateurs. Même si nous maîtrisons mieux l’envoi de matériel, les impondérables restent donc nombreux et difficilement prévisibles. Messan indique que les droits de douane ont récemment augmenté au Togo en raison de la période électorale et que l’argent récolté servirait à alimenter la campagne ! Nous partons faire quelques courses au centre-ville et affrontons à nouveau la circulation et la pollution. Les milliers de deux roues de fabrication chinoise pour la plupart, sont équipés de moteur 2 temps. Ces moteurs avec un mélange essence huile sont très polluants, Ajouté à la poussière, il vaut mieux être équipé d’un masque en tissus. (Lien vidéo) – www.youtube.com/watch?v=rpcz9D9-60k  

Lundi 26 janvier
C’est avec Dakor, jeune homme travaillant comme conseiller agricole auprès du programme coton biologique du Burkina-Faso que nous avons rendez-vous ce matin. L’initiative de ce programme revient à à Helvetas, une ONG suisse, appuyée par le centre Albert Schweitzer à Ouagadougou. La production du coton bio a démarré à partir de 2002. Le travail de Dakor consiste à rencontrer des producteurs, non pas forcément pour les amener à produire mais surtout pour leur faire partager la réalité. Les producteurs dans les villages ont l’impression qu’ils ne peuvent pas travailler sans pesticides ni engrais chimiques, il s’agit de leur démontrer qu’il existe des solutions et, s’ils acceptent, nous les aidons. L »Union des producteurs de coton du Burkina-Faso encadre le secteur du coton en général, secteur bio et conventionnel confondus. La production et la vente de coton bio permet à la filière de trouver des débouchés et donc de vivre. Le coton bio est en majorité exporté ; celui qui reste au Burkina, est tissé principalement dans la capitale sous l’appellation cotonnade intéresse les tisserands mais il est destiné à une clientèle aisée. Entretien N° 6- thèmes: Coton bio, chef de terre, Helvetas, UNPCV (Union des Producteurs de Coton), confédération paysanne,   C’est l’effervescence pour la livraison des cartons. Quelques affaires sont distribuées, des vêtements pour les petites filles, des chemises estampillées CICG (Centre International des conférences de Genève), des chaussures et autres ustensiles de cuisine. Le matériel informatique est rangé, inventorié avec précaution.

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Visiblement, il ne manque presque rien. Les vélos n’ont pas été livrés faute de place, les claviers et quelques ordinateurs sont restés à Lomé car nous avons confirmation que le dirigeant actuel taxe tous les produits et a menacé de licencier tout le personnel qui officie dans le port de transit de Lomé si une forte somme, destinée à assurer sa réélection, ne lui est pas payée. Un prochain envoi est prévu en avril, espérons qu’il sera possible. Le matériel destiné à l’école le Paradis est distribué. Les cinq meilleurs élèves de chaque classe sont récompensés par des sacs et des livres scolaires. Un vrai bonheur qui vous appartient à vous qui avez donné!  

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Mardi 27 janvier
Dernier jour à Bobo, nous repartons avec larmes et bagages après avoir salué la famille qui nous a accueillis pendant plus de trois semaines. La maison des fous gentils se referme doucement derrière nous mais, pour nous, elle reste entrouverte à jamais. Le trajet dans le car jusqu’à la capitale n’est pas vraiment silencieux. Des séries télé ivoiriennes passent en boucle sur un écran télé et le volume, qui nous paraît difficile à supporter ne semble pas importuner les autres passagers. Nous arrivons à destination sous une chaleur de plomb. Grâce à Siaka, nous trouvons un hôtel vétuste à proximité de la station de bus, ce qui nous permet de déposer nos valises.

Mercredi 28 janvier
Nous allons faire un tour au marché artisanal de Ouagadougou. Si les prix paraissent plus onéreux qu’en ville, ils peuvent tout de même être négociés dans les échoppes. Ce marché a le mérite de regrouper tout l’artisanat du pays et vaut vraiment le détour.

Jeudi 29 janvier
L’équipe se sépare à nouveau : Yannick et Alice vont rendre visite à Paola, déjà rencontrée en début de séjour, accompagnés à nouveau par Blandine Sankara pour expliquer la démarche d’autonomisation. Je vais faire un tour au marché central de Ouaga et rencontre Emmanuel, un vendeur d’objets locaux. Pendant les évènements de novembre, il manifestait dans un immeuble qui a été incendié. Avec deux autres manifestants, il a été obligé de sauter d’une hauteur de deux étages. L’un des trois s’est tué, le deuxième a été blessé et Emanuel a subi un traumatisme crânien et s’est foulé le pied. Il boite, me montre son pied tout enflé et m’indique qu’il n’a pas les moyens de se soigner autrement que par la médecine traditionnelle. Le soir venu, nous sommes invités dans la banlieue proche de Ouagadougou par Isabelle, une jeune femme médecin qui est la fille du Chargé du Commerce à Genève de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine.

Vendredi 30 Janvier
6h20, nous reprenons l’avion destination Genève. A notre arrivée, la neige tombe à gros flocons, les routes sont bloquées, il nous faudra trois heures de plus pour rentrer à notre domicile. Décidément, rien ne s’est accompli dans la demi-mesure : une transition digne de cette aventure !

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