Posté le 27 décembre 2013 dans Genève Internationale, Société | 0 commentaire
Les abeilles au secours de l’ONU

Bee UN: Entretien dans le parc Ariana

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Alors que, me promenant dans le parc Ariana du Palais des Nations, je cherchais désespérément comment présenter à nos lecteurs une forme parfaite d’organisation, de management, de réalisation des objectifs, une abeille est venue bourdonner à mon oreille.

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Aussitôt, j’ai pris contact avec Pascal Crétard, apiculteur en charge des ruches installées depuis 2012 dans le parc de l’Ariana 3.* Chaque ruche a reçu un nom et chaque colonie se l’est approprié. Un entretien surréaliste, véritable exclusivité mondiale s’est alors réalisé avec les reines des ruches et leur essaim. La même question était posée à chaque ruche de la communauté Bee UN :

Que représente pour vous le mot écrit sur votre ruche et quels conseils donneriez-vous pour atteindre cet objectif ?
Tout d’abord, il est en effet judicieux et symbolique que l’Organisation des Nations Unies nous ait accueillies dans ce magnifique parc. Merci aux personnes qui ont eu cette idée et à celles qui l’ont concrétisée ! Les abeilles ont commencé leur activité depuis des millions d’années, bien avant l’apparition de l’homme sur terre ; elles ont pollinisé les fleurs permettant l’expansion de la biodiversité sur la planète. Avec plus de 20 000 espèces d’abeilles, nous avons essaimé depuis l’Afrique sur tous les continents. Nous

bee1parcourons notre environnement, apprenons, innovons parfois, nous souvenons et surtout nous comprenons. Les éclaireuses donnent les informations aux butineuses pour récolter le pollen qu’elles rapportent aux ouvrières. Ces dernières préparent alors la cire qui recueillera le miel. Les nourrices s’occupent de la crèche alors que la reine pond ses œufs dans des alvéoles du nid. Il existe deux sortes d’alvéoles : celles destinées à la colonie qui contiennent du miel et celles destinées aux futures reines qui contiennent de la gelée royale. Comme vous le voyez, notre modèle de coopération est vraiment validé par des centaines de milliers d’années de pratique et de transmission. Nous avons également intégré une valeur importante pour la paix qui est la tolérance : en effet, certains de vos chercheurs ont récemment prouvé que les ruches étaient plus résistantes aux agressions extérieures et plus productives lorsqu’il existait une certaine diversité de races car chacune était utilisée en fonction de son apport et non en fonction de son origine. Comme vous le voyez, nous volons juste à la bonne hauteur, contrairement à vous qui, soit contemplez la planète depuis vos satellites, soit vous regardez le nombril.

Sécurité et désarmement
La danse des abeilles est un langage commun destiné à collecter le pollen mais également à réagir contre toute forme d’agression. En cas de danger, un signal d’alarme est déclenché par la butineuse pour ses sœurs et une bataille peut alors s’engager. Pour l’anecdote, nous sommes utilisées et dressées par vos semblables comme démineuses car nous sommes capables de localiser les mines grâce à notre odorat. Comme le mentionne Maurice Maeterlinck dans la vie des abeilles : « Vous qui n’avez pas d’autre proie que les parfums, souffles du ciel » les abeilles n’aspirent qu’à pérenniser leur essaim et se donnent les moyens d’y parvenir. La meillebee3ure preuve est que malgré nos dix ruches voisines, il n’existe aucune agressivité ; nous vivons en parfaite harmonie. Nous fuyons le danger, non pas par peur car nos amazones sont armées et nous savons nous défendre, mais parce qu’une nourriture de bonne qualité mais qui serait environnée de danger perd tout attrait. N’est-ce pas une leçon de plus dont vous, humains, devez-vous inspirer pour les thèmes du désarmement et de la sécurité et même dans vos contacts de tous les jours avec vos relations ?

Notre secret ? Contrairement aux humains, nous avons développé l’intelligence collective.

Humanitaire & Droits de l’homme
L’expérience et l’âge sont déterminants et les éclaireuses sont les plus expérimentées. De même que l’humain ne vit que quelques années, l’abeille ne vit que quelques semaines et c’est pour cette raison que la transmission du savoir est essentielle. Les colonies sont sans cesse projetées dans l’avenir. Par exemple, après le solstice d’hiver les abeilles frissonnent et réchauffent la ruche pour permettre qu’au printemps, la reine ponde et que les petits se développent. Au début du printemps ils seront en pleine expansion. Cette anticipation se réalise à toutes les périodes de l’année et devrait vous inspirer aussi. Allié à cette vision et cette projection dans l’avenir le modèle de cette sagesse collective, « l’esprit de la ruche » délivré de toute contingence hégémonique, n’a qu’un seul but : permettre à la ruche de subsister. Je vais vous révéler un secret : Pensez, lors de vos débats dans la salle des droits de l’homme et des civilisations, voisine de nos ruches, que l’un des rédacteurs de votre texte fondateur de la Déclaration a été piqué par une de nos sœurs juste avant d’écrire l’article 1 : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ».

Solidarité & Justice
La sagesse de la ruche est inscrite dans les gènes de ses habitantes et ses lois s’imposent à toutes. Une intelligence collective a permis de développer un processus démocratique dans lequel chacune a sa place. A l’intérieur de la ruche, toute l’organisation de l’habitat a été optimisée pour que l’activité se déroule sans heurts. Les abeilles dépendent les unes des autres sans qu’aucune querelle ne vienne troubler cet équilibre indispensable à la survie du groupe. Nos architectes ont conçu l’alvéole en un modèle à ce point parfait qu’il a été modélisé par les hommes pour leurs produits. Les butineuses travaillent de concert avec les ouvrières, les balayeuses et fossoyeuses et les nourrices chacune en fonction de son expérience. Elles vaquent à leurs occupations en se préoccupant des autres mais sans jamais interferer.

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Universalité & Environnement
Une disparition des abeilles s’est accentuée depuis 10 ans à cause essentiellement des activités humaines agrochimiques. L’abeille a su résister à tous ses prédateurs, aux changements climatiques mais reste impuissante face à la bêtise humaine. Une faible dose de pesticide ingérée par une butineuse va venir perturber son sens de l’orientation et ainsi provoquer sa mort. Les réserves de miel sont suffisantes, l’abeille cesse d’accumuler, contrairement à l’humain, qui est prêt à tout, même aux pires comportements pour engranger des denrées avec une absurdité économique de gaspillage au nord alors que le sud meurt de faim. Sais-tu toi petit homme qu’un arbre fruitier visité par nos sœurs aura plus de fruits et de meilleure qualité ? Quand comprendrez vous enfin puisque vous pensez d’abord et exclusivement à vous, qu’avec la disparition des abeilles, vos jours sont comptés ? La petite abeille, comme tous les êtres vivants, est différente mais si proche de l’humain. Son modèle constitue un véritable symbole de l’universalité car « le battement de ses ailes s’effectue en pleine cohérence avec les battements du monde ». C’est pourquoi les hommes seraient bien inspirés à nous regarder, comprendre comment nous fonctionnons afin peut-être, de se comprendre eux-mêmes. Ils ne sont pas du tout intelligents sur l’échelle du temps, ils n’apprennent jamais de leurs erreurs, de leurs abominations et les répètent sans cesse contrairement à nous qui corrigeons et transmettons aux générations futures.

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Remerciements à Jean Claude Ameisen, journaliste sur France Inter dont les émissions « Sur les épaules de Darwin » ont constitué une source d’inspiration pour cet article.

Bibliographie Le chef-d’oeuvre de Maurice Maeterlinck : La vie des abeilles * www.unspecial.org/2012/10/bee-un/

Aux dernières nouvelles  (mars 2015) nos habitantes les ruches du Palais des Nations sont mal en point : seule la Ruche « sécurité » semblerait encore bourdonner .  A suivre…

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