Posté le 18 janvier 2020 dans Société | 0 commentaire
Politique et spiritualité

Depuis des temps immémoriaux, des capitales aux coins les plus reculés de la planète, des sagesses spirituelles, parfois religieuses, ont mis en exergue des voies vertueuses alliant savoir-être et prise en compte de l’environnement. Deux questions se posent alors : pourquoi avons-nous oublié, voire ignoré ces valeurs et comment les retrouver?

La présence de Nicolas Hulot à Genève représentait sans conteste, l’affiche de cette double conférence organisée sous l’égide de la fondation Zoein.

Le dialogue entre l’ancien ministre français et son ami le professeur Dominique Bourg constituait le point d’orgue d’une réunion intervenue en premier lieu au Palais des Nations. D. Bourg définissait la thématique du jour en précisant que la spiritualité ne se substitue pas à la réalité mais que les deux doivent fonctionner de concert.

Pendant ces deux conférences, des intermèdes musicaux étaient proposés au public par le duo  Zhangomusiq avec Zhang Zhang, premier violon de l’Orchestre Philharmonique de Monte Carlo et Leopoldo Giannola à la guitare.

 

Sophie Swaton, directrice de la FondationZoein présentait le premier livre publié dans la collection : Nouvelles Terres (aux PUF) « l’esprit de la jungle ». Cet ouvrage (1) raconte la vie d’IswanAswani lequel était le premier invité.

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Iswan, guérisseur indonésien et exilé politique en Suisse, évoque son enfance dans une nature alors préservée qui permettait à chaque villageois d’assurer sa subsistance. Le basculement de ce pays est intervenu avec l’exploitation à outrance de l’huile de palme engendrant destruction des forêts primaires, pollution de l’environnement et corruption des politiques avec la complicité des multinationales.

 

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Le deuxième épisode de cette conférence met en présence Catherine Erhard journaliste et François Euwe professeur et jésuite. Ils évoquent l’encyclique « laudato si » datant de 2015 sur »la sauvegarde de la maison commune ». François Euwe précise que le monde se trouve dans une période de transition écologique bien sûr mais également théologique. La logique de cette encyclique est que ce qui nous fait exister en tant qu’êtres humains, ce sont les relations interhumaines et avec la nature. Les questions sociales et environnementales ne peuvent pas être séparées ni opposées. Dans la Bible, l’humain n’apparait qu’après le processus créateur de l’environnement, en même temps que les animaux. Le postulat de liberté, sans en abuser, doit également bénéficier à toutes les créatures vivantes. Le péché serait alors d’occuper tout l’espace et ne rien laisser à côté. La notion de croître et multiplier doit clairement être adaptée à faire fructifieravec, en perspective, la surpopulation, et la notion qualitative doit se substituer à celle de quantité.

 

Dominique Bourg et Nicolas Hulot entament alors une conversation complice au cours de laquelle ce dernier cite Edgard Morin « nous sommes technologiquement triomphants mais culturellement défaillants ».N.Hulot explique une désynchronisation de la science et de la conscience . Avant la COP 21 de Paris, il avait été chargé d’organiser un sommet des consciences afin de pouvoir concilier modernité et spiritualité. L’idée était que les puissants de ce monde puissent écouter les discours de peuples premiers. Les responsables agissent dans la majorité des cas en réaction à des problèmes qu’ils doivent gérer dans le bref laps de temps de leur mandat. Il en résulte que la réflexion à long terme n’existe quasiment pas. Le paradoxe est que nous possédons tous les outils. Notre modèle économique a transgressé la raison même de l’économie : les humains sont au service de l’économie et non l’inverse.Une croissance exponentielle ne peut continuer indéfiniment dans un monde fini. Une croissance sélective, voire une décroissance, sont des passages obligés dans une période de transition. On peut piloter la rareté (et c’est le principe de l’économie) mais en aucun cas, gérer la pénurie. Il faudrait constitutionnaliser cette démarche pour éviter que les alternances politiques nous forcent, chaque fois, à revenir en arrière.

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A propos de spiritualité politique, N. Hulot constate qu’il y a deux sortes d’humanités :celle qui travaille pour le bien commun est la plus importante mais la moins visible. L’autre humanité accapare et accumule les biens communs.Selon lui, notre intelligence sera peut-être artificielle voire augmentée grâce à la technologie mais c’est plutôt une révolution des esprits qui serait nécessaire. Pourra-t-elle émerger avant qu’il ne soit trop tard ? Les hommes sauront-ils utiliser leur analyse pour échapper au virtuel et concevoir le réel?

Hulot revient maintenant sur la nécessité de mailler nos savoirs et notre technologie avec les peuples premiers. Nos relations sont inexistantes Un laminoir d’homogénéisation fait disparaître des langues, des savoirs, des cultures et c’est un préjudice incommensurable. Avoir croisé certaines peuplades nous permet de nous rendre compte à quel point nous nous sommes désolidarisés du savoir, de l’avenir, du vivant. Les peuples primitifs ont beaucoup à nous apprendre pour peu que nous soyons disposés à les entendre.

 

Jacques Ranou

Jacques Ranou

Nicolas Hulot est ensuite l’invité de la Fondation Zoein pour une conférence dans le cadre du festival EXPLORE de l’Etat de Genève : « Face à l’effondrement du vivant et à l’accélération du changement climatique :

quelles perspectives ? ».

Cette conférence est introduite par le président du Conseil d’Etat et chargé du département du territoire. Antonio Hodgers mentionne que la cité de Genève continue à mettre en place une stratégie environnementale évoluant au fil des années et ,conjointement, à soutenir avec force toutes les initiatives porteuses d’avenir en matière de transition écologique

Plus que jamais complices, Dominique Bourg et Nicolas Hulot échangent sur ces sombres perspectives. Alliant facilité et sincérité, ce dernier, très à son aise devant l’assemblée, se veut raisonnablement optimiste. Il revient sur cette révolution des esprits. Il insiste sur l ‘extraordinaire improbabilité qui a permis que l’exception de la vie se développe sur notre si petite planète.

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Il est temps que les interrogations sur le sens, une reconnexion avec la nature soient entreprises. Désormais, il nous importe de prendre conscience où nous allons et de comprendre que tous les chemins ne sont pas praticables. Si nous continuons sur cette voie, la catastrophe est inéluctable et, paradoxalement, les moins responsables seront les premiers impactés. Trois mots doivent guider le  siècle: Le premier est diversité. Si la vie a pu cheminer avec tant de succès, c’est grâce à sa diversité. Le deuxième est humilité : nous sommes des hommes pas des dieux, notre cerveau ne pourra pas résoudre l’équation à la dernière minute. Le dernier mot est sobriété.

Trois mots doivent nous guider : Diversité, Humilité et Sobriété

Savez-vous que l’agriculture a besoin de 2% d’eau et consomme cependant 60 % de l’eau de la planète? Que pour pécher 3 espèces on va en impacter 180 ? Qu’on meurt plus d’obésité et de malbouffe que de famine? Bientôt la consommation numérique va dépasser le transport aérien en termes d’impact sur l’effet de serre.

Des notions telles que dignité et solidarité sont totalement liées à l’écologie. Les crises climatiques ajoutent de la misère à la misère. Le monde connecté a donné aux exclus vue directe sur les inclus en générant un sentiment d’humiliation et d’injustice en connaissant les privilèges des uns et en les comparant. Ce système inéquitable est basé sur la compétition, l’exploitation, l’appropriation et la concentration. Pour construire un monde solidaire, il faudrait transformer le libre échange en juste échange.Avant que la pénurie des matières premières devienne rareté, il faudra que cette accaparation des flux économiques qui échappent aux états soit redéfinie. L’enjeu est universel. Sa foi en l’homme n’est pas naïve. L’homme doit se fixer les limites que possède notre planète.

N. Hulot a assisté à l’assemblée générale des Nations Unies qu’il compare à un théâtre des apparences,ses états membres n’ayant qu’une idée en tête : défendre les intérêts de leur propre pays.

Enfin, il cite Sébastien Bolhert, un neuroscientifique : le cerveau humain n’a pas évolué pendant des années, avec des stimuli limités qui secrètent une hormone du plaisir appelée dopamine : manger, dormir, se reproduire.

Pourtant, à l’époque actuelle, ces excitations neuronales, souvent numériques, sont démultipliées sans fonction stopet n’ont aucune utilité pour l’humanité. Il ressort cependant que la pratique de la connaissance, de la sobriété et de l’altruisme ont la particularité de générer cette dopamine et sont en plus utiles. Pour conclure faites-vous plaisir en choisissant les bons stimuli et l’humanité se portera mieux!

liens vidéo :

Fondation Zoein

l’intégralité des interventions au Palais des nations  est disponible sur le lien suivant :

La conférence filmée est disponible sur ce lien :

Intervenants :

Dominique Bourg : professeur honoraire à l’université de Lausanne, philosophe, tête de la liste « Urgence Ecologie » aux dernières élections européennes.

IwanAsnawi,auteur du premier ouvrage de la collectionNouvelles Terres https://www.puf.com/content/Lesprit_de_la_jungle

François Euvé, Jésuite, agrégé de physique, docteur en théologie, rédacteur en chef de la revue Etudes, Professeur de théologie aux Facultés jésuites de Paris – Centre Sèvres ;

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