Posté le 16 mai 2015 dans Fantaisies, Société | 0 commentaire
Tabac : plaidoyer pour la liberté
tabacJe me souviens de l’été 1991, je venais d’avoir 13 ans, j’ai commencé à fumer. Comme beaucoup d’adolescents, je cherchais à appartenir à un groupe, à être reconnue par les gens que j’admirais, et j’ai commencé à fumer en les imitant.

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Alice Martin

Je ne me souviens pas de ma première cigarette, je ne me souviens donc pas si elle avait bon ou mauvais goût. Au début je fumais seulement le week end, en soirée avec des amis. J’ai commencé à ressentir des symptômes de manque au bout d’un an ou deux. Peu à peu j’ai augmenté la cadence et j’en suis arrivée à fumer tous les jours. Je me souviens avoir adoré fumer. J’ai passé des soirées, des nuits entières à fumer. En jouant aux cartes surtout. Ou en refaisant le monde autour d’un feu. Bien sûr, je savais et je sentais dans mon corps que c’était mauvais à la santé. J’ai donc cherché à arrêter. J’ai arrêté la première fois l’année de mes 19 ans je crois. J’ai arrêté à l’occasion d’une rencontre avec un homme, non-fumeur. J’ai utilisé des patchs et des chewing-gums à la nicotine, très chers et qui n’empêchent pas la sensation importante de manque. Cette relation amoureuse a duré 1 an. J’ai repris juste après la rupture. Sans regret. Plus abondamment encore.

Je me souviens même que l’année de ma licence de chimie, ma motivation principale pour sortir du lit était d’aller attraper mon paquet de tabac sur la table et d’allumer une cigarette… J’ai arrêté la seconde fois à 22 ans. Egalement à l’occasion d’une rencontre amoureuse avec un non-fumeur. J’ai à nouveau utilisé des patchs et chewing-gums. Cette relation a duré 5 ans. Après notre rupture je suis passée par la boulimie, l’alcool… J’ai pris 12 kg en 6 mois. J’étais au plus mal dans mon corps, incapable de me regarder dans une glace. Un an après cette rupture j’ai repris le tabac. Je me suis dit que tomber dans l’alcoolisme pour compenser n’était pas une riche idée… De plus, je venais de m’engager pour deux ans avec une ONG pour partir enseigner au Burkina Faso, pays où le tabac est infiniment moins cher qu’en France, et la tentation était donc très importante. Je me suis remise à fumer. Enormément. Puis, après une année de tabagisme intense, j’ai commencé à ressentir une sensation étouffante d’emprisonnement. J’ai arrêté et repris plusieurs fois en quelques mois. Je me débattais dans cette prison intérieure sans réussir à en sortir.

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A l’occasion d’un séjour en France en 2008 j’ai visité une amie, Claire S. Cette étape chez elle a changé ma vie. Je ne la remercierai jamais assez. Au petit-déjeuner elle me lance, en allaitant sa fille de 6 mois : « Tu n’avais pas arrêté de fumer ? » Je fonds en larmes immédiatement, ce que je fais presque à chaque cigarette depuis plusieurs semaines. Rien ne calme ma honte, ma rage, mon désespoir de me sentir si faible face à cette dépendance toxique, moi qui suis d’habitude si forte, pleine de volonté, capable de m’astreindre à me lever tôt et à travailler avec acharnement à de nombreuses tâches… Je me sens emprisonnée, démunie. Je me débats tel un oiseau empétré dans le pétrole, qui sent confusément qu’il est pris au piège, que l’étau se resserre, qu’il ne va pas s’en sortir… Claire me sourit et me dit : « Ah ben moi non plus je ne pensais pas pouvoir arrêter un jour. Je ne savais même pas comment j’allais pouvoir diminuer ma consommation en tombant enceinte. Et puis je suis tombée sur ce livre. » Elle me me tend le livre d’Allen Carr, La méthode simple pour les femmes qui veulent arrêter de fumer sans prendre de poids. Elle ajoute : « quand je l’ai lu j’étais euphorique, j’ai su que je ne refumerais plus jamais ! » Elle me l’offre. J’attends quelques jours avant d’ouvrir le livre, histoire d’être chez moi, de pouvoir m’isoler. Au début du livre, plein de recommandations : tenez un journal de bord, notez ce que vous ressentez, etc. La seule recommandation que j’aurais dû suivre est celle de ne pas diminuer ma consommation de tabac pendant la lecture du livre. Très important. Moi j’ai tenté de diminuer et ça a été une catastrophe : je pleurais sans cesse. Aucune euphorie pour moi à l’horizon… serais-je donc anormale ? Je continue pourtant ma lecture, en pleurant, dans un état lamentable. Je me sens au fond du trou. Et puis, vient le déclic. Le témoignage d’une femme qui comprend que son envie de tabac est en fait liée à son envie d’être en prison, dans la même prison mentale où son mari l’enfermait. Elle l’a quitté pour ça : il était trop dirigiste, dictateur. Cette situation l’a rassurée pendant des années puis un jour elle a étouffé, elle a dû partir. Le tabac la rassurait de a même façon. J’ai compris que pour moi c’était la même chose : j’avais arrêté de fumer pendant 5 ans, de 22 à 27 ans, sans prendre un seul gramme ! Je n’avais pas besoin de fumer, j’avais choisi une relation amoureuse emprisonnante, délimitée, rassurante, connue.

Je me rappelle que dans le livre il est écrit : « Imaginez que vous êtes Nelson Mandela. Vous venez de passer 27 ans en prison et vous sortez demain. Que ressentez-vous ? » La réponse typique du lecteur qui n’a jamais été en prison est très souvent : « je ressens un sentiment de liberté et de joie ! » Eh bien non ! le sentiment qui prédomine chez un être humain lambda, après tant d’années passées entre 4 murs est l’angoisse ! Une immense trouille ! « Que vais-je faire de ma vie à présent ? Il va falloir travailler, cuisiner, décider où aller… » C’est ce sentiment qu’Allen Carr travaille en nous. Il plaide coupable pour lavage de cerveau en réponse à ses nombreux détracteurs. Il écrit en substance (je cite de mémoire) : « si lavage de cerveau il y a alors je revendique d’essayer de vous laver le cerveau dans l’autre sens que celui avec lequel l’industrie du tabac vous a bernés » (voir notamment à ce sujet le documentaire Tabac, la conspiration de Nadia Collot). « Pour Allen Carr, la principale difficulté des fumeurs est la « peur d’arrêter » plutôt que la dépendance physique à la nicotine. Selon lui, l’usage de produits pharmaceutiques compensant le manque de nicotine, renforçant cette peur et le sentiment de sacrifice, rendent le sevrage plus difficile. Cette méthode consiste à convaincre le fumeur, au cours d’une longue séance thérapeutique, que c’est en arrêtant de fumer qu’il trouvera le bien-être physique et psychologique qu’il recherche en fumant. » lien

En ce qui me concerne, j’ai refermé le livre un soir d’octobre 2008 vers 20h. J’ai fumé ma dernière cigarette. Le lendemain, j’étais invitée à manger chez des gens de ma famille. Il y avait des fumeurs à table. Je me rappelle très bien que non seulement je n’ai pas eu envie de fumer en sentant l’odeur de tabac mais surtout je voyais tous les fumeurs derrière des barreaux de prison. Dans les 6 mois qui ont suivi j’ai perdu, sans rien faire de spécial, les 12 kg pris 3 ans auparavant, que la reprise du tabac ne m’avait pas fait évaporer. Je n’ai pas refumé depuis, cela fait 7 ans. J’en ai envie parfois mais très rarement, et l’envie passe en quelques minutes. Je me sens libre, libérée de ce fardeau ! J’ai offert ce livre à de nombreuses personnes depuis. Je le commande sur fnac.com ou d’occasion sur priceminister.com (je boycotte amazon). Je précise bien aux gens qu’il faut ressentir la sensation d’emprisonnement pour que ça marche, selon moi en tout cas. J’insiste également sur le fait qu’il ne faut pas arrêter ni même diminuer sa consommation de tabac avant d’avoir refermé le livre. Je n’ai pas vérifié les chiffres trouvés sur internet concernant le nombre de fumeurs qui réussissent à arrêter définitivement grâce à cette méthode mais je sais que j’ai lu nombre d’articles dénonçant le « business d’Allen Carr » où les internautes ayant réussi à arrêter de fumer grâce à cette méthode ont vivement réagi (comme cet article par exemple ). Le nombre de gens qui déclarent avoir retrouvé leur liberté grâce à ce livre de poche à 6 € (moins cher qu’un paquet de cigarettes aujourd’hui !) est considérable ! Pour ma part je trouve scandaleux que la sécurité sociale n’en fasse pas la promotion partout, et qu’on trouve encore ces saletés de patchs dans les pharmacies !!! Quel juteux business pour le coup !!! (lire ici ). Pour terminer je vous invite à aller voir ces deux illustrations du livre, très bien faites :

1. Le syndrome du miroir  « Voici une page extraite du livre illustrant une raison pour laquelle on s’est mis à fumer : l’estime de soi. Ce constat explique pourquoi les riches fument moins que les pauvres, les cadres moins que les travailleurs manuels. Quand on est issu des classes favorisées, on éprouve moins le besoin de se rassurer avec une image de force, de dynamisme, de prouver aux autres que l’on est quelqu’un de bien. »

2. Combler la sensation de vide  « Certains fondent l’attrait de la cigarette sur le principe atavique de plaisir. Selon Allen Carr – qui prétend ne jamais avoir aimé fumer – au contraire, c’est, la souffrance qui fait refumer sans cesse. La cigarette calme temporairement un manque qu’elle contribue à entretenir : quelques temps après avoir fumé, le manque revient irrémédiablement comme un boomerang. La conclusion est aussi simple qu’évidente : pour ne pas entretenir ce cercle vicieux, la seule et unique solution est de ne plus fumer. Jamais, pas une bouffée, qui suffit à entrainer la récidive comme les fumeurs l’ont appris à leurs dépens. » Enfin, n’hésitez pas, même si vous êtes non-fumeur, à lire ce livre. Vous pourrez peut-être aider un fumeur à arrêter !

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